Le périphérique, cette frontière à dépasser
C’est le 25 avril 1973, soit dix-sept ans après le début de travaux pharaoniques, que le dernier tronçon du périphérique parisien a été inauguré, « bouclant la boucle » d’une route de 35 kilomètres permettant aux automobilistes de faire le tour de la capitale. Georges Pompidou, président de la République, rêvait alors de voir la capitale traversée par des autoroutes : un projet fort heureusement enterré par Jacques Chirac quelques années plus tard. Symbole d’une période de la « voiture reine », le « périph » pour les intimes, apparaît désormais comme une survivance d’un autre âge.
Une autoroute qui rend malade
Cette artère ultra fréquentée est en effet source de très importantes nuisances. D’abord pour les automobilistes qui l’utilisent, coincés dans d’interminables bouchons lors des heures de pointe, mais aussi pour les riverains qui habitent à proximité. Ces derniers respirent un air particulièrement pollué et subissent tous les jours un bruit permanent de 88 décibels (l’équivalent du bruit d’une tondeuse à gazon). Particulièrement exposées aux nuisances, ces dizaines de milliers de personnes, qui sont la plupart du temps des populations modestes (l’immobilier y étant plus accessible qu’ailleurs) payent au prix fort sur leur santé l’activité incessante des 1,2 million de voitures qui, tous les jours, empruntent le périphérique. Une récente étude du Lancet, revue scientifique de renommée internationale, a d’ailleurs relevé la corrélation entre le fait d’habiter près d’un axe autoroutier et une plus forte prévalence de la démence. Selon les auteurs de l’étude, le risque de développer une maladie de type Alzheimer est augmenté de 7 % chez les personnes habitant à moins de 50 mètres d’une route à fort trafic. En un mot, le périphérique rend fou, au sens littéral du terme.
En outre, le périph constitue une fracture urbaine difficilement franchissable. Frontière physique qui coupe Paris de sa proche banlieue – et vice versa – et enserre la capitale dans un espace extrêmement contraint et dense (Paris est l’une des métropoles les plus denses du monde et les plus petites en termes de superficie occupée), cette couronne autoroutière est aussi une frontière mentale, qui structure les représentations. Il y a celles et ceux qui habitent à Paris intramuros, et celles et ceux qui vivent au-delà du périphérique. Pour les premiers, la satisfaction symbolique d’être au cœur de la ville et, pour les autres, une forme de relégation.
De la nécessité absolue de transformer le périph
Aujourd’hui, à l’heure où se met en place la métropole du Grand Paris, à l’heure où, face aux changements climatiques, la nécessité est grande de repenser les rapports de la capitale avec ses territoires environnants, enfin, à l’heure où pour lutter contre la pollution de l’air et faire « respirer » la ville on cherche à diminuer la place de la voiture individuelle pour augmenter celle des autres moyens de transports (collectifs, vélo, marche à pied), le périphérique apparaît particulièrement anachronique. Et il fait l’objet d’âpres débats sur son devenir. Avec, d’un côté, ceux qui veulent le recouvrir et, de l’autre, ceux qui souhaitent le transformer.[…]
Lire la suite sur le site d’AlterEco
David Belliard est conseiller de Paris, coprésident du groupe des élu-es écologistes au Conseil de Paris et directeur du développement d’Alternatives Economiques.